11 novembre 2008

Petite pause...

Voilà en effet plus d'une semaine que je n'ai rien posté, et il est vrai que le rythme de "publication" a qque peu baissé ces derniers temps.
La faute à... moi.
Avant de commencer ce blog, je me suis inscrit à un concours de création de jeu de rôle :
un thème est donné, et j'ai 15 jours pour pondre un JdR complet et valable.
Comme le thème vient juste d'être publié, je mets le roman en mode "pause" pour les 15 prochains jours, pour revenir par la suite de plus bel !!

La suite donc autour du premier décembre (je ferais une grosse campagne de com à ce moment là !)

Bonne fin de moi à tous

Manu

3 novembre 2008

Chapitre 3 - Part2

A cet instant, Solann, trop épuisée pour parler, aurait donné sans hésiter son esclave pour pouvoir passer une nuit sous un toit solide dans un lit sec. Hélas, pour le moment, appuyée au tronc de l’orme, elle était condamnée à se protéger au mieux de la pluie en regardant Surahn, le plus âgé des deux survivants de la troupe des Lanciers Dragons, tenter en vain d’allumer le maigre feu dont elle avait rêvé toute la journée. Les flammes refusaient résolument de naître du bois humide sur lequel s’acharnait le vieux soldat.
- Par Héorn ! Rugit-il soudain en se redressant vivement. Même avec une caravane entière de Souffleurs des Enfers, je ne parviendrais pas à allumer ce satané feu.
Ainsi dressé, tremblant de colère, le vieux lancier était impressionnant. Il était d’une taille peu commune, même pour un homme des contrées du nord, et ses yeux, d’un vert de feuille d’érable, fulminaient sous ses sourcils broussailleux. Ce regard intense était difficile à soutenir, encadré qu’il était par de longs cheveux neigeux et une barbe touffue.
- Pourquoi n’essaierais-tu pas d’avoir une étincelle d’intelligence, pour une fois ! Tu pourrais peut être t’en servir pour enflammer ces branches !
Celui qui avait répondu était Tilin, le second survivant de la troupe impériale. Aussi petit que sec, un crâne rasé orné d’oreilles légèrement pointues, il avait tout du félin prêt à bondir. Il aurait d’ailleurs été aisé de pousser plus avant cette comparaison, songea Solann tandis que le lancier tournait autour de son compagnon sans cesser de le taquiner, comme un chat l’aurait fait avec sa proie.
Durant les trois jours qui venaient de s’écouler, le petit lancier n’avait cessé de se moquer de son aîné sans que celui-ci paraisse s’en émouvoir. Pourtant, cette fois-ci, peut-être à cause du ton légèrement plus acide que d’habitude, ou encore en raison de la très mauvaise humeur générale, Surahn sembla mal prendre la remarque.
- A cet instant plus que jamais, mon bon Tilin, lâcha-t-il d’une voix tranchante, tu as manqué une excellente occasion de te taire.
La guerrière, voyant la main du vétéran se rapprocher lentement de la garde de son épée, laissa échapper un soupir las. Elle allait sûrement devoir intervenir pour éviter que les deux derniers survivants des Lanciers Dragons ne s’entretuent. Cependant, elle se sentait trop épuisée pour même seulement prononcer un mot, et à priori, les deux soldats étaient des adultes responsables, on pouvait donc espérer qu’ils se débrouillent sans elle.
- Mais voyons, mon cher ami, qu’est-il donc arrivé à ta légendaire placidité ? répondit vivement Tilin, comme s’il comprenait que la situation lui échappait dangereusement. Tu sais bien que je…
Mais il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Surahn saisit son épée et se jeta sur lui. L’agilité du petit lancier le sauva. Il parvint à esquiver in extremis le large moulinet du vieux lancier, et à se placer hors de sa portée.
Solann, jugeant qu’il était temps d’intervenir, allait s’interposer entre les deux antagonistes, mais, avant qu’elle ait pu se redresser, Orion, accroupi à ses cotés, dit à mi-voix.
- Je sais que vos affaires ne concernent en rien un simple esclave, mais je me permets tout de même de te suggérer de ne pas intervenir.
Comme sa maîtresse ne disait rien, il poursuivit en chuchotant.
- Nous avons tous besoin d’évacuer, d’une manière ou d’une autre, le trop-plein d’émotions accumulé ces derniers jours. Voilà pourquoi je pense que les séparer maintenant serait une erreur.
Il marqua une courte pause avant de reprendre sur un ton de connivence :
- De toutes façons, tu as sans doute remarqué que Surahn n’attaque qu’avec le plat de la lame. Même s’il venait à frapper vraiment fort, Tilin n’aurait, au pis, que quelques contusions.
Comprenant que son esclave avait raison, la guerrière se rassit, non sans se morigéner intérieurement de ne pas avoir compris la situation d’elle-même. Elle nota aussi mentalement qu’il faudrait qu’elle ait une discussion avec Orion : il semblait avoir pris de bien mauvaises habitudes durant leurs dernières pérégrinations. Sans doute devrait-elle lui rappeler les bases de ce qu’un membre d’une sous-race était autorisé à faire.
Pendant ce temps Tilin, ayant eu le temps de se remettre de son étonnement, profitait d’une distance suffisante pour asticoter un peu plus son adversaire.
- Mon pauvre ami, j’ai bien l’impression que tu as les jambes qui flageolent. Veux-tu que je te trouve une canne pour remplacer cette épée bien trop pesante ? Tu en feras certainement meilleur usage.
Cette boutade était d’autant plus injuste que le vieil homme maniait sa lame courbe avec une redoutable précision. Tilin, jugea même la guerrière, avait de la chance de si bien connaître les techniques de combat de son compagnon, sinon il aurait mordu la poussière dès la première attaque.
Piqué au vif, Surahn s’élança à nouveau sur son adversaire, qui, sans cesser de rire, se mit hors de portée d’un bond. Hélas le sol, complètement imbibé d’eau, était extrêmement glissant. Tilin perdit pied et s’étala de tout son long dans une flaque de boue.
Le silence s’abattit sur le campement, uniquement troublé par le doux bruit de la pluie et par le grondement sourd du tonnerre au loin.
Sa lame bloquée au milieu de sa course, Surahn, de marbre, observait fixement son compagnon. Celui-ci, sans dire un mot, se redressa, regardant de droite à gauche comme s’il tentait de comprendre ce qui venait de lui arriver. Le pauvre petit lancier, les bras ballants, totalement couvert de boue, offrait une bien piteuse image. Sur son crâne s’étalaient de longues traînées d’eau sale, et ses yeux exprimaient toute la détresse du monde, au point que l’on aurait presque pu croire qu’il allait fondre en larmes.
Ce ne furent pourtant pas des pleurs qui rompirent le silence tendu de la scène, mais un rire limpide, tellement inattendu que les deux lanciers, rompant leur immobilité, se tournèrent à l’unisson pour voir d’où il provenait.
A quelques mètres derrière eux, Solann, qui, depuis trois jours, en dehors de quelques ordres brefs, s’était retranchée dans un mutisme total, riait à présent à pleine gorge. Voyant que tous la fixaient avec étonnement, elle parvint à glisser, entre deux respirations saccadées : « Mon pauvre Tilin… tu ressembles à un pauvre petit porcelet dépressif ». Puis elle se remit à rire.
Surahn, à son tour, s’esclaffa, bientôt imité par Orion. Même l’infortuné petit lancier finit par se joindre au reste du groupe, plus discrètement toutefois.