18 octobre 2008

Chapitre 2 - Part1

Si la salle avait eu une âme, sans doute se serait-elle étonnée du silence morne qui régnait à cet instant sous ses hautes arcades.
Il y avait déjà bien longtemps, elle s’était vue drapée de tapisseries d’or qui miroitaient dans la douce lumière des candélabres, lors de bals où se pressaient comme des fleurs les grandes dames et les puissants seigneurs.
Puis la magnificence qui la parait avait disparu, laissant la place à l’austérité des murs nus aux pierres glaciales. Elle s’était alors senti vibrer aux chants brutaux de guerriers, dressés dans la lueur rougeoyante des torches avant de partir au combat.
Mais en ce jour, tout cela avait disparu. Dans le soir descendant, la salle paraissait déserte.
Et pourtant, elle ne l’était pas.
Au centre de la pièce, sur un trône imposant et froid, sculpté dans la même pierre sombre que les murs, un homme était assis. Son visage, à moitié caché par le capuchon de son manteau noir brodé de runes d’ombre, était terriblement concentré. Ses yeux grands ouverts paraissaient regarder au loin, au-delà des murs de la salle, au-delà des montagnes et des mers.
Il restait là, figé, et seul le léger va-et-vient de sa poitrine indiquait qu’il était encore parmi les vivants.
Tout à coup, son visage se crispa et ses yeux se fermèrent. Cela ne dura qu’un bref instant. Il glissa de son siège et s’abattit sur le sol, pantin désarticulé. Le bruit de sa chute résonna dans la salle, brisant le calme sourd.
Alors un terrible éclat de rire explosa. Il sortait de la gorge de l’homme qui se relevait péniblement.
Comme en réponse, une porte dissimulée dans un recoin s’ouvrit. Une silhouette déformée par l’âge se dessina dans l’embrasure. De petite taille, elle paraissait encore écrasée par une barbe si importante qu’elle en devenait invraisemblable.
- Prince, dit-il, et sa voix paraissait curieusement grave et puissante chez un être aussi frêle, Prince, pourrais-je vous demander ce qui motive une pareille hilarité ?
Le rire s’apaisa peu à peu. L’homme en noir se redressa et rejoignit le trône où il s’assit avec majesté. Soudainement, il semblait être devenu un autre. L’être épuisé étalé sur le sol avait disparu. A sa place se trouvait un des grands de ce monde, de ceux qui décident de la vie et de la mort, et bien plus souvent de la mort, d’hommes de toutes façons prêts à mourir pour eux. Son maintien, son port altier, tout en lui dégageait de la puissance. Le vieux serviteur eut un mouvement de recul. S’il en avait jamais douté, il ne le pouvait plus : il avait bien devant lui Shark’Rohr, Roi de Lokmar.
- Bien sûr, Mati, mon vieil ami, dit alors le Roi. Sache que le plus grand des seigneurs de l’empire, leur meilleur général, le dernier sorcier-combattant, Ariene d’Ohes, est passé de vie à trépas…
Et la voix de Shark’Rohr, froide, implacable, résonnait souveraine dans la grande salle vide.
- Quoi !! S’exclama le vieillard. En êtes-vous certain, Sire ?
Mais devant l’expression du visage de son seigneur, il recula d’un pas et s’inclina :
- Pardonnez-moi, je vous ai interrompu.
- Attention, esclave ! Ce n’est pas parce que tu as accompagné mon enfance que tu peux te permettre de douter de mes paroles.
Une menace courait dans sa voix. Il poursuivit cependant :
- J’étais là. Je n’ai quitté l’esprit du garde de Roar dans lequel je me trouvais que quelques instants avant qu’il meure.