29 septembre 2008

Chapitre 1 - Part1

Solann n’en pouvait plus. Elle avait l’impression qu’elle courait depuis des années, que cette maudite fuite ne connaîtrait jamais de fin.
- Non, songea-t-elle avec une ironie née de l’amertume... Tout cela ne durera plus très longtemps.

Cela faisait plus de trois semaines qu’Orion et elle tentaient d’échapper à leurs poursuivants. Sans succès. Malgré tous leurs efforts, ils perdaient régulièrement du terrain.

La guerrière avait un temps espéré que, une fois les frontières intérieures du Farlinden atteintes, la chasse cesserait, mais il n’en avait rien été. Le glorieux empire aux milles conquêtes était aujourd’hui un épouvantail qui n’effrayait plus les oiseaux de proie.
Trois jours plus tôt, leurs chevaux épuisés avaient rendu l’âme. Et maintenant, leurs ennemis les talonnaient. A cet instant même, elle entendait leurs vociférations, remplies d’impatience et de haine dans l’excitation de la curée imminente.

Un sourd mal de tête rendait ses pensées brumeuses. Elle ne sut si elle avait heurté une pierre ou si ses forces l’avaient simplement abandonnée. Elle se sentit juste tomber, sans éprouver d’autre douleur que la froide morsure de la rosée sur ses muscles brûlants. Un instant, elle s’imagina rester allongée là. S’endormir, tout simplement. Mais le violent battement du sang à ses tempes l’en dissuada.

Elle ouvrit les yeux. Le paysage alentour était d’une beauté saisissante. Entre le coteau qu’ils venaient de descendre et celui qu’ils allaient devoir gravir s’étendait un paisible vallon. Une herbe veloutée, d’un vert intense, le tapissait, et le soleil, effleurant la rosée du matin, en faisait une rivière de lumière.

Elle vit alors, juste au dessus d’elle, Orion qui la regardait, peinant à retrouver sa respiration. Sa silhouette musculeuse, couturée de cicatrices, se découpait sur le ciel d’un bleu cru, fumant dans l’air froid. Les multiples tresses de sa chevelure d’ébène dansaient au gré du vent, masquant par moments ses yeux sombres. Comme il se penchait vers elle pour l’aider, elle croisa son regard. Elle n’y lut que lassitude, bien loin de la détermination farouche qu’il affichait habituellement. L’esclave astien savait, tout comme sa maîtresse, que la fuite touchait à sa fin.
Puisant dans ses dernières ressources, elle se releva.

On entendait, portés par le vent, toujours plus forts, toujours plus proches, les cris de leurs ennemis.
- Après tout, si nous devons mourir, cet endroit en vaut bien un autre, parvint-elle à lâcher d’un air moins détendu qu’elle ne l’avait espéré.
Orion se fendit d’un sourire fatigué.
- Allons, Madame, lança-t-il de ce ton précieux qui, il le savait, avait le don d’énerver sa maîtresse. Je sens poindre en vous une pointe de dépit. En réalité, ne regrettez-vous pas que nul ne puisse témoigner de cet ultime combat. Sans doute auriez vous aimé que l’on chante un jour à la gloire de Solann et Orion, qui firent face seuls à une armée entière, emportant avec eux dans la mort plus d’ennemis qu’on n’en pourrait compter ».

Si la guerrière goûta la plaisanterie, elle n’en montra rien. Sans un mot, elle sortit Aphlielle, sa fidèle lame, de son fourreau. Sans rien ajouter, Orion l’imita, se saisissant de son arc après avoir planté son épée à portée de main. Puis, droits et calmes, ils attendirent, le regard fixé sur les crêtes qu’ils venaient de quitter.