1 octobre 2008

Chapitre 1 - Part2

Il ne fallut que peu de temps pour qu’y apparaissent les premières silhouettes, tachant de leur noirceur le bleu du ciel. Bien qu’elle eût déjà deviné que c’était par des naldohls qu’ils étaient poursuivis, Solann ne put retenir un grognement de dégoût en les voyant. Elle n’avait jamais pu s’habituer à ces êtres d’apparence simiesque qu’utilisait sans vergogne le royaume de Lokmar. Leurs bras surdéveloppés, leur corps couvert de poils, les cris qui s’échappaient de leur mâchoire proéminente lui répugnaient.
- Cela aurait pu être pire, souffla Orion. Ces maudites créatures sont peut être de vraies brutes, mais, avec une épée en main, elles ne valent pas grand chose. S’il ne s’agit que de cela, nous …
La bravade de l’esclave mourut sur ses lèvres. Derrière les naldohls une nouvelle troupe venait d’apparaître. Dominant du haut de leur monture de jais la masse grouillante, revêtus de leurs armures d’un rouge profond, les cavaliers de la garde de Roar, l’unité d’élite des armées de Lokmar, les toisaient, triomphants. Solann ne put s’empêcher de frémir : ni elle, ni Orion ne sortiraient vivants de cette vallée. Sentant le désespoir l’envahir, elle entreprit de faire le vide dans son esprit, comme le lui avait enseigné, tant d’années auparavant, Algohl, son maître d’armes et mentor.

Sur la crête, un cavalier à l’armure sanglante leva le bras. Le son d’une trompe emplit l’air, suivi par une multitude de cris d’une joie furieuse. La troupe de Naldohls déferla sur la pente, se déversant dans le vallon.
Orion avait déjà décoché plusieurs flèches, abattant coup sur coup des adversaires aussitôt remplacés. Calmement, il continua à tirer. Mais il ne réussit pas à briser la charge de l’ennemi.
Alors, se plaçant dos à dos, les deux compagnons attendirent que l’inévitable corps à corps s’engage. Cela leur parut durer une éternité, mais il ne fallut que quelques instants pour que leurs attaquants arrivent à portée de leurs lames.
Le premier devait faire près de deux fois la taille de Solann. Il n’eut même pas le temps de se mettre en garde. La guerrière, d’un geste vif et souple, le traversa de part en part. Aphlielle, dans sa main, semblait frémir de plaisir tandis que le sang de la créature coulait sur elle. Solann en abattit un autre, puis un autre encore. Tant qu’Orion faisait de même derrière elle, ils avaient une chance de tenir, et elle se jeta corps et âme dans la bataille. Nul ne pouvait l’atteindre, et nul ne l’atteignit, tandis qu’Aphlielle chantait son chant de mort.

Mais la longue plainte de la trompe résonna à nouveau et la cavalerie de Roar s’ébranla. Implacablement, le grondement produit par la chevauchée, flamme de sang dévorant l’herbe verte, couvrit la clameur du combat. Face à cette débauche de puissance, la guerrière sentit un bizarre orgueil l’envahir : certes, elle allait mourir, mais les généraux de Lokmar lui offraient une fin toute en démesure.
Une vive douleur à la cuisse la rappela à la réalité. Elle fit face et d’un coup d’épée, fendit le ventre de son adversaire. Victoire futile car ils allaient recevoir de plein fouet la charge des Gardes de Roar
A cette pensée la fureur l’envahit. Attendre une mort inéluctable n’était pas à son goût. Elle préférait prendre les devants. Délaissant la protection d’Orion, elle se jeta avec un hurlement de rage sur les Naldohls qui les encerclaient, tuant, massacrant des créatures trop abasourdies pour réagir.
Alors, dominant le tumulte, s’éleva soudain la sonnerie d’un cor puissant et clair. La guerrière ne put empêcher son cœur de bondir : elle aurait reconnue cette plainte céleste entre mille.
L’espace d’un instant, tout sembla se figer alors que tous tournaient les yeux vers l’endroit d’où provenait le son, une croupe d’herbes douces de l’autre côté du vallon. Et tandis que la charge destructrice des cavaliers rouges s’interrompait, le silence s’abattit sur le champ de bataille.